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16 février 2009 1 16 /02 /février /2009 16:33

Lomé le 16 Février 2009

 Monsieur José Manuel Barroso
Président
Commission Européenne
Union Européenne
Bruxelles
Belgique

 Objet : Lettre ouverte

 

Monsieur le Président,

 J’ai l’honneur de vous écrire à nouveau et au moment où l’économie mondiale traverse une crise financière et économique aux conséquences imprévisibles. La nécessité du changement de paradigme politique, économique et financier s’impose désormais avec évidence. Elle vient justifier l’appel que je vous avais adressé pour attirer votre attention sur les méfaits du pacte de stabilité et du dogme de 3%.L’histoire ne fait pas de casuistique, ses jugements sont absolus. Ici et maintenant, les appels se multiplient en faveur d’une réorganisation du système financier mondial. Les faits étant têtus, on doit sans délai procéder aussi à la révision profonde du traité de l’UEMOA. Il s’agit d’un impératif de justice et d’humanité. La désintégration des marchés financiers, la récession économique globale, l’effondrement de l’idéologie de l’ultralibéralisme et la misère ambiante en Afrique doivent conduire votre institution et la Banque Centrale Européenne (BCE) à abandonner l’application de l’orthodoxie financière partout et particulièrement en Afrique. Le coût humain de cette doctrine désastreuse est trop important. De plus, elle a sapé les bases de l’économie de la production, en privilégiant l’argent au détriment des vies humaines. Toute tentative de réformer les institutions financières internationales sans rompre avec les dogmes de l’orthodoxie financière, sans réviser le Traité de l’UEMOA et les programmes tragiques de PPTE et de l’APE ne feront qu’empirer la crise systémique que nous vivons.Le 28 Février 1984, l’association Jeunesse ACP-CEE que j’avais créée avait organisé avec le Mouvement Européen  une conférence au Grand Amphithéâtre de la Sorbonne à Paris. Ensemble avec moi à la tribune et le soutien de l’ancien Président Léopold Sedar Senghor et du Président Jacques Chaban-Delmas, le Président Edgar Faure, l’académicien Louis Leprince-Ringuet, le Recteur de l’académie de Paris Hélène Arwheiller, le Président de la Sorbonne Jacques Bompaire, etc, nous avions lancé aux jeunes européens et à ceux des ACP, qui avaient rempli la salle, un vibrant appel pour engager les réflexions et les actions pour le codéveloppement. Nous sommes actuellement à un tournant de l’histoire où justement le besoin du codéveloppement s’impose. On ne pourra réussir un nouveau départ économique dans le monde que si le cannibalisme de l’économie réelle est abandonné. Autrement, on ne pourra pas éviter le chaos social en Europe dont l’économie est en récession. De même, l’aggravation de la pauvreté en Afrique va accroître les flux d’émigration des jeunes en détresse vers l’Europe.Il faut urgemment développer les pouvoirs productifs du travail en Afrique grâce à la méthode économique à forte intensité capitalistique et énergétique, en libérant le crédit public productif, en restructurant et en recapitalisant les banques africaines. Les européens ne peuvent pas continuer de critiquer les interventions chinoises en Afrique, tout en poursuivant la politique désastreuse de l’aide ayant pour incidence perverse l’asphyxie des économies africaines. Les fondements de la coopération actuelle entre l’Europe et les ACP sont néfastes pour les européens et les africains.

 

Par ailleurs, comment peut-on accepter d’acheter des actifs toxiques des banques occidentales en faillite et refuser d’engager des fonds endossés sur les considérables actifs physiques réels des pays africains pour lancer la construction des infrastructures routières, hospitalières, éducatives et autres dont ils ont cruellement besoin ? Les économies des pays africains ont aussi désespérément besoin de liquidités pour leurs fonctionnements normaux et pour soutenir l’économie mondiale. L’interdépendance économique et humaine commande de changer la forme de la coopération actuelle entre nos pays et les règles imposées aux africains pour ne pas empirer la crise systémique sans précédent de ce début du 21è siècle.

Dans les conditions de dépression économique générale et de crise financière internationale, les politiques de PPTE et de l’APE ne peuvent que nous amener au cataclysme. Nous devons changer les règles du jeu actuelles, qui sont injustes et funestes à l’humanité, et déterminer une orientation et une politique de coopération nouvelle plus juste et plus humaine. Quand la Banque Africaine de Développement (BAD) affirme dans son dernier rapport sur le Togo que : « Les besoins de financement externe du Togo pour la période 2008-10 devraient atteindre environ 2,1 milliards de dollars, soit 75% du Produit Intérieur Brut (PIB). Environ deux tiers de ce montant sera consacré à l’apurement des arriérés en 2008 et à l’assistance au pays pour atteindre le point d’achèvement de l’initiative PPTE et d’initiative sur l’allègement de la dette multilatérale (IADM) en 2010 »,  vous conviendrez honnêtement avec moi que c’est implacable et ne conduira inévitablement la masse populaire togolaise qu’à plus de misère.

Je vous propose et aux dirigeants de la zone d’initier une  révision du système monétaire et financier de l’UEMOA, de faire de la BCEAO un prêteur en dernier ressort, d’accroître et de faire orienter les flux de monnaie et le crédit vers des activités susceptibles de renforcer les capacités de travail et de création de richesses. Le concept de l’aide est fondamentalement destructeur et déshumanisant. Seul le travail ennoblit l’homme et le rend libre.

Puisque les Etats-Unis, l’Europe, la Chine, etc, ont recours à la reflation, c’est-à-dire la relance par l’augmentation de la masse monétaire, les Etats de l’UEMOA ont aussi besoin de cette bouée de sauvetage. Au nom des peuples en détresse de la sous-région, je demande un plan de relance de 20 milliards d’euros, soit 13.118 milliards de Fcfa pour lancer la construction des infrastructures et pour développer les productions agricoles. La reconstruction productive  en Afrique va provoquer de la croissance en Europe. C’est la logique du désenclavement. En faisant rayonner la vie économique en Afrique, la mondialisation sera humaine et le flux migratoire s’inversera. Il est indubitable que pour sortir de la crise financière et économique en cours, beaucoup de choses dépendront de la plasticité,  de l’intelligence et de l’humanisme des élites dirigeantes de nos pays. C’est pourquoi, je m’adresse, à travers vous, à ces élites pour les exhorter à réfléchir et à agir comme les personnalités qui m’avaient aidé à promouvoir le concept du codéveloppement au début des années 80. Il nous faut de grands réformateurs dans cette période difficile et non des bureaucrates qui cherchent à sauvegarder les dogmes qui nous ont conduits au chaos. Le futur ne sera ni la continuation du présent ni un retour au passé. Nous vivons un saut quantique de l’histoire. Pour éviter des convulsions violentes partout, nous devons engager sans plus attendre le processus de reconstruction des mécanismes de la coopération internationale avant que la désintégration du système actuel n’atteigne le seuil fatidique au-delà duquel nous ne pourrons plus faire obstacle aux forces totalitaires et épargner aux populations les dislocations et les crises périlleuses. La désillusion est largement partagée dans les classes pauvres et moyennes, l’amertume et la colère contre les gouvernements sont réelles et peuvent se transformer en fureur frénétique et sectaire.

Je vous demande donc expressément de faire preuve d’un audacieux esprit d’innovation et de soutenir les décisions progressistes de certains gouvernements européens et celles du Président Barack Obama  et non les tentatives de rappel à l’ordre des amants de l’orthodoxie financière. La volonté aveugle de défendre ce qui est périmé crée le danger de sanglants affrontements et le chaos social ou la guerre.

En vous remerciant de votre écoute et disponibilité, je vous prie de trouver ici, Monsieur le Président, l’assurance de ma considération distinguée.

 

 

Nicolas LAWSON

Président du PRR

 

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